Controverse sur l’huile de palme : si on déconstruisait les idées reçues ?

Exposition photos d'une palmeraie - Stand de la Côte-d'Ivoire au SIA 2022@AAFC
Exposition photos d’une palmeraie – Stand de la Côte-d’Ivoire au SIA 2022@AAFC

La Côte d’Ivoire, deuxième pays producteur d’huile de palme en Afrique après le Nigeria, s’est lancée dans la campagne de reconquête sur la scène internationale de l’agriculture à Paris.  Une campagne de communication offensive en faveur du palmier à huile et de ses sous-produits, pour déconstruite les idées reçues contre l’exploitation et la consommation de cette huile malmenée notamment par les médias occidentaux.

Un débat sur l’huile de palme qui met en lumière les enjeux sur la production, l’exploitation et la consommation de cette huile végétale la plus utilisée au monde, reconnue pour être un ingrédient traditionnel des cuisines d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, aujourd’hui massivement exploitée pour la fabrication d’aliments transformés, de cosmétiques et de biocarburants.

Peu chère et très rentable pour ses qualités techniques,  l’huile de palme est une manne économique pour les pays en développement mais ennemi majeur du développement durable et de la biodiversité pour une partie du reste du monde. En effet, l’huile de palme continue d’alimenter de nombreux débats, notamment en Europe qui tend à lui fermer ses portes. Les pays producteurs crient à une injuste discrimination  car elle est accusée de déforester des pans entiers des forêts primaires, notamment en Indonésie et en Malaisie. D’ailleurs, les médias occidentaux persistent à dénoncer les méfaits de cette culture industrielle largement répandue.  L’huile de palme est qualifiée de nocive pour la santé et les plantations sont présentées comme non seulement responsables de la déforestation mais encore  à la source de la disparition de l’habitat des Orang-Outans, espèce en danger d’extinction. Aujourd’hui, « la  poire est coupée en deux » ; les industriels se tournent vers des huiles certifiées durables, une exigence actuelle qui appelle l’émulation des pays producteurs.

Carmen Féviliyé

Interview – Marie-Thérèse Soro : « Les gens n’ont pas la bonne information sur l’huile de palme »

Marie-Thérèse Soro, directrice Qualité et Développement Durable de PALMCI et Raymond Tagouya, directeur Agricole des Plantations Villageoises de PALMCI@AAFC
Marie-Thérèse Soro, directrice Qualité et Développement durable de PALMCI et Raymond Tagouya, directeur Agricole des Plantations Villageoises de PALMCI@AAFC

Nous avons donné la parole à Marie-Thérèse Soro,  directrice Qualité et Développement Durable de PALMCI, en Côte d’Ivoire. Présente  au SIA à Paris édition 2022 pour représenter son pays, Marie-Thérèse Soro, avec le groupe SIFCA, a mené une action forte de communication  sur cette scène internationale en faveur du palmier à huile et des bienfaits de ses sous-produits,  pour vanter les mérites et tenter de défaire l’une après l’autre les « fausses idées » sur  la consommation de l’huile de palme. Une interview AAFC.

AAFC: La Côte d’Ivoire a été présente à l’édition 2022 du Salon International de l’Agriculture de Paris (SIA), du 26 février au 6 mars. Avec le groupe SIFCA, le pays a occupé l’un des plus beaux stands consacré au palmier à huile. Pourquoi un espace spécifique au palmier à huile ?

Marie-Thérèse Soro : Nous sommes le groupe SIFCA, leader en agro-industrie dans la sous-région dans trois domaines importants : l’huile de palme, le sucre de canne et le caoutchouc naturel. A l’occasion du SIA 2022, nous avons voulu mettre en évidence les produits du palmier à huile, afin de promouvoir les qualités du palmier à huile, ses produits et sous-produits, apporter la bonne information sur les bienfaits de l’huile de palme, l’impact de la culture du palmier à huile sur l’environnement écologique et social en Côte d’Ivoire. Bref, montrer à travers cette magnifique palmeraie éphémère, tous les enjeux socio-économiques et environnementaux du palmier à huile et l’engagement de PALMCI, en tant que filiale du groupe SIFCA, à produire l’huile de palme DURABLE dont vivent plusieurs millions de familles en Côte d’Ivoire, voire en Afrique.

Selon des campagnes publicitaires de mise en garde et des documentaires peu valorisants sur les effets néfastes sur la santé, l’huile de palme serait la cause de multiples accidents cardio-vasculaires, surtout en Afrique…

 En effet, mais faut-il encore se référer aux statistiques pour voir s’il y a véritablement plus d’accidents cardio-vasculaires en Afrique qu’ailleurs. Cela dit, je ne saurais vous répondre avec précision. C’est vrai que l’huile de palme contient de l’acide gras saturé à environ 48%. Mais pas plus que les produits comme le beurre (98% d’acides gras saturés), le chocolat, le fromage, la viande porc (52%) et plusieurs autres produits couramment consommés qui contiennent plus d’acides gras saturés mais qui ne font l’objet d’aucune campagne de dénigrement.

L’huile nutritive est sans cholestérol, et comme toute huile, elle doit être consommée avec modération

Croyez-moi, à l’issue des échanges avec le public sur notre stand au SIA 2022 à Paris, nous avons observé, qu’en général, les gens n’avaient pas la bonne information sur l’huile de palme. Notre objectif était donc de partager la bonne information avec le grand public sur les idées reçues. Car dire comme ça que « l’huile de palme est mauvaise pour la santé », ce n’est pas vrai. L’huile de palme est une huile végétale à plusieurs vertus, très riche, notamment en vitamine A et E. En plus d’être une huile sans cholestérol, l’huile de palme est un puissant antioxydant bénéfique pour l’organisme. C’est une huile nutritive. Mais comme toute huile, elle doit être consommée avec modération.

Cette campagne existe-t-elle en Afrique ?

Nous n’avons pas cette campagne en Afrique.  Le Nigéria est le premier producteur d’huile de palme en Afrique et la Côte d’Ivoire est le deuxième pays, suivi du Ghana. L’huile de palme fait partie de notre tradition culinaire depuis nos ancêtres et nous ne nous en portons pas mal pour autant. Nous consommons les fruits après cuisson. Ces fruits sont aussi transformés en huile de palme brute, la première extraction d’huile. Les amandes de palmistes à l’intérieur de la graine sont aussi transformées en huile de palmistes beaucoup prisée en cosmétique. L’huile de palme brute est ensuite raffinée pour produire l’huile de table. Bref, tous les éléments du palmier, aujourd’hui transformés de manière industrielle, le sont aussi traditionnellement, notamment pour la nutrition, en cosmétique et en médecine également. Car l’huile de palme brute est aussi un puissant anti-poison. Cela est connu dans la tradition africaine. En somme, l’huile de palme est et reste dans notre quotidien. Nous en connaissons les bienfaits et le SIA 2022 a été une occasion pour nous de les partager.

Concernant l’exploitation industrielle, il est encore répandu que la culture du palmier à huile serait la cause de grandes déforestations, ce qui nuit à l’environnement. Qu’en pensez-vous ?

 Là encore, il faut remettre les choses dans leur contexte. PALMCI est une filiale du groupe SIFCA créée à la suite de la privatisation des installations du gouvernement en 1997. Les palmeraies que gère aujourd’hui PALMCI sont des palmeraies mises en place par l’Etat de Côte d’Ivoire dans les années 60, dans le cadre de son vaste programme de développement économique. PALMCI poursuit leur exploitation dans le respect de l’environnement.

@AAFC
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Mais je voudrais tout de même insister sur une chose très importante : la production d’huile de palme DURABLE dont il est ici question, est le résultat de la mise en œuvre de notre politique de développement durable mise en place depuis 2007. Et l’un de nos engagements, c’est la « ZERO DEFORESTATION » qui se traduit par le respect et la protection des zones riches en biodiversité. A ce jour, et pour la seule entité, PALMCI compte 160 hectares de forêts protégées et totalise 22 000 arbres déjà plantés.

Par ailleurs, il faut noter qu’en Côte d’Ivoire, toute demande de mise en valeur d’une parcelle est soumise à une expertise environnementale, afin de s’assurer qu’elle n’est ni une forêt, ni une zone riche en biodiversité à préserver et apte à l’agriculture. Et c’est seulement à l’issue d’une étude d’impact environnemental et social que la parcelle est validée par un comité interministériel pour exploitation.

L’un de nos engagements, c’est la « ZERO DEFORESTATION » 

En 2015, nous avions fait une demande d’acquisition de 1000 hectares dans la zone sud-est de la Côte d’Ivoire. Au terme d’une expertise sur l’impact environnemental et social, nous nous sommes aperçus qu’il y avait 300 hectares de zones sous la convention de RAMSAR. Les Zones RAMSAR sont des zones humides protégées et riches en biodiversité. Nous avions, certes, obtenu les 1000 hectares, mais en prenant l’engagement de protéger les 300 hectares qui forment la zone RAMSAR et qui font partie de la superficie octroyée. Nous avons, dès lors, aménagé une zone tampon autour de la zone RAMSAR, pancartes de sensibilisation et de signalisation à l’appui, avec à la clé la mise en place d’un comité de sensibilisation. Le comité de sensibilisation ayant pour mission de sensibiliser les populations riveraines à la préservation de cette zone sensible. En définitive, notre politique « ZERO DEFORESTATION » nous oblige à faire la « due diligence » et justement à être encore plus regardant sur les parcelles avant la mise en valeur agricole pour éviter les zones de haute valeur écologique.

Selon vous, à qui profite l’exploitation du palmier à huile ? Plus aux multinationales qu’aux consommateurs et populations locales?

L’huile de palme profite à tous. La multinationale qui s’implante mène ses opérations pour sa prospérité en bonne intelligence avec son environnement social. PALMCI a tout un écosystème économique autour de ses opérations. Nous créons des emplois directs et contribuons aux emplois indirects. Nous travaillons avec des exploitants privés à qui nous apportons une assistance technique. Notre stratégie a été de mettre en place une Direction dédiée à l’accompagnement des planteurs privés qui sont dans notre chaîne d’approvisionnement. Les planteurs privés nous approvisionnent à hauteur de 55% en matières premières. Ce qui constitue une relation d’affaire privilégiée de partenariat.

L’engagement de PALMCI, en tant que filiale du groupe SIFCA, est de produire de l’huile de palme DURABLE

Le partenariat se situe à plusieurs niveaux, technique et social. Je pourrais vous citer le conseil agricole portant sur l’itinéraire technique dans le but d’améliorer leur productivité. Cela permet de promouvoir une agriculture intensive au lieu d’une agriculture extensive qui nécessiterait de nouvelles parcelles.

Sur le plan social, nous avons établi un cadre permanent de dialogue avec les communautés riveraines qui nous permet de contribuer au développement local de ces communautés à travers la construction d’écoles, de dispensaires, de formations des jeunes et accompagnement des femmes pour une diversification de cultures ainsi que leur autonomisation. Pour ne citer que ces actions. L’industrie du palmier à huile profite à tous à tout égard.

 Qu’en est-il des produits dérivés du palmier à huile ?

 Nous produisons principalement deux huiles avec les régimes de palmes : l’huile de palme brute et l’huile de palmistes qui provient des amandes de palmistes. SANIA, filiale du groupe SIFCA, contribue à la sécurité alimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Elle raffine l’huile de palme brute en plusieurs produits dont l’huile de table DINOR et des sous-produits tels la margarine Délicia, St Avé et bien d’autres produits de première consommation. 100% de notre huile de palme brute rentre dans l’alimentation et nous ne transformons pas nos huiles en biocarburant.

Comment traitez-vous  les déchets issus de la transformation des régimes de palmes?

Aujourd’hui on ne dit plus déchets parce que ce sont des produits qui ont encore de la valeur. On les appelle sous-produits. Comme sous-produits nous avons les fibres et les coques que nous utilisons dans nos chaudières, par exemple, pour produire de l’électricité.  PALMCI possède dix huileries et deux presseries. L’électricité produit permet d’alimenter nos usines et les logements des travailleurs. Il y a aussi les rafles que nous utilisons comme engrais organiques. Nous utilisons également les boues lourdes comme fertilisants en plantation. Tous ces sous-produits sont revalorisés dans toute la chaîne de production d’huile de palme.  J’ajouterais également l’utilisation des branches pour la confection de paniers et d’autres produits ménagers. La valorisation des sous-produits du palmier à huile est totale.

Revenons-en aux idées reçues. En voici une autre : la transformation du palmier à huile est une activité  polluante. Qu’en dites-vous ?

 Il y a des risques de pollutions possibles. Les effluents liquides issus du processus de production de l’huile de palme brute constituent un risque de pollution. Cependant, nous avons construit des bassins de lagunages qui assurent le traitement des effluents, lesquels sont par la suite épandus en plantation.   Il y a les gaz à effet de serre générés par la déforestation. Et notre politique  « ZERO DEFORESTATION » un atout. Elle permet, entre-autres initiatives, à travers le planting de 22000 arbres et de protection de 160 hectares de forêts, de contribuer à la réduction du gaz à effet de serre.

Propos recueillis par C.F.

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France