8 mars 2022: Lydie-Patricia Ondziet fait le bilan des actions féminines

Lydie-Patricia Ondziet @Lydie-Patricia Ondziet
Lydie-Patricia Ondziet @Lydie-Patricia Ondziet

La présidente de la fondation Renaissance Alkebulan et de l’association Trinité, également membre de la Panafricaine d’Aquitaine, dresse un bilan des actions féminines dans son pays, le Congo, et dans le monde. Une contribution pour marquer la journée internationale des droits des femmes, ce 8 mars.

Avec AAFC – Mise à jour le 30 mars 2022 à 12h57

La journée internationale des droits des femmes est apparue dans le contexte des mouvements sociaux au tournant du XXe siècle en Amérique du Nord et en Europe. C’est en 1977 que l’Organisation des Nations-Unies (ONU) adopte une résolution pour inviter chaque pays à consacrer une journée à la célébration des droits des femmes et de la paix internationale. Ainsi, le 8 mars est devenu cette journée de reconnaissance dans de nombreux pays. Les thèmes choisis cette année sont sur le plan international « L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable » et sur le plan national congolais « La progression de la femme dans les fonctions politiques et électives. » L’objectif de cette journée est de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, c’est également l’occasion de constater les progrès accomplis, d’appeler au changement et de célébrer les actes de courage et de détermination des femmes qui jouent un rôle dans le monde aujourd’hui.

L’impact du Covid-19 sur les femmes

Le monde est actuellement secoué par différentes crises : économique, sanitaire, migratoire, environnementale, sécuritaire, géopolitique. En effet, depuis la fin de l’année 2019, la crise sanitaire appelée communément Covid-19 a changé la donne. Elle a mis en évidence les inégalités et les discriminations systémiques vécues par les femmes. Nous pouvons souligner que depuis près de deux ans, les femmes sont touchées de multiples façons par les conséquences dues à cette pandémie : les pertes d’emploi et de revenus, la violence conjugale, les viols, les féminicides, l’augmentation du travail informel, la surexposition au risque de contamination, le stress, la solitude. Les femmes ont subi cette crise sanitaire de plein fouet et elles ne sont malheureusement pas au bout de leur peine. La face cachée de la pandémie est celle de l’exploitation des femmes, de l’abus, y compris la violence au sein même de la famille. C’est donc avec une grande reconnaissance et satisfaction que les femmes congolaises ont accueilli la nouvelle loi Émilienne Mouebara votée le 2 mars 2022 par le parlement du Congo-Brazzaville dans le but de lutter contre cette violence faite aux femmes.

Les dernières données de l’ONU montrent qu’une femme sur trois est victime de violence au cours de sa vie, ces violences sont principalement le fait des partenaires. L’ONU rapporte que les femmes handicapées ont quatre fois plus de risques de subir des violences sexuelles que les autres femmes. Malgré la reprise des activités économiques dans de nombreux secteurs, les femmes accusent un retard quant à leur retour au travail.

Elue en 2006, Ellen Johnson Sirleaf est la toute première femme cheffe de l’État en Afrique.

Depuis les grèves de la faim jusqu’aux chaînes humaines, en passant par les pétitions, les campagnes militantes en faveur du changement se présentent sous de nombreuses formes. Ainsi, l’imprimante, la radio et la télévision à une certaine époque, Internet et le téléphone mobile ont considérablement transformé les modes d’organisation des campagnes comme au Libéria où une guerre civile acharnée incite plusieurs milliers de Libériennes à former un mouvement contestataire. Le mouvement recourt à diverses tactiques telles qu’ une grève du sexe visant à forcer les hommes à prendre part aux discussions de paix et un sit-in des négociations de paix par un groupe de femmes qui menacent de se déshabiller afin d’indisposer les hommes délégués et ainsi les empêcher de se retirer, tant qu’ils ne seront pas parvenus à une résolution. Le succès du mouvement est tel qu’il met fin à quatorze années de guerre civile et débouche sur l’élection en 2006 de la toute première femme cheffe de l’État en Afrique, Ellen Johnson Sirleaf.

La nouvelle loi Émilienne Mouebara contre la violence faite aux femmes, votée le 2 mars 2022 par le parlement du Congo-Brazzaville, est accueillie avec reconnaissance et satisfaction

Plus d’un siècle depuis le début du mouvement des suffragettes et après plusieurs décennies de militantisme acharné, les femmes de nombreux pays du monde accèdent au droit de vote dans les années 1980. Toutefois, la lutte pour l’égalité des sexes est toujours loin d’être terminée.

La charte des Nations-Unies adoptée en 1945 a été le premier instrument international à affirmer le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. La Déclaration universelle des droits de l’homme qui date du 10 décembre 1948 stipule dans son article premier que tous les hommes naissent égaux. Les normes mondiales jouent un rôle clé dans l’établissement de critères de référence à respecter par la communauté internationale et à mettre en œuvre par les pays. A la fin du 20è siècle, un certain nombre de textes historiques et de résultats normatifs ont transformé la vie des femmes:

  • 1993 : Convention pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ; le premier instrument international à aborder et à définir explicitement les formes de violence à l’égard des femmes.
  • 1994 : Programme d’action de la conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) ; qui place les populations et leurs droits au cœur du développement et qui reconnait que la santé sexuelle et reproductive des femmes est essentiellement pour le bien de tous.
  • 1995 : Déclaration et programme d’action de Beijing ; un cadre complet adopté lors de la quatrième conférence mondiale pour les femmes, comprenant une feuille de route avec des mesures dans 12 domaines essentiels destinés à faire avancer les droits des femmes.
  • 2000 : Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations-Unies ; le premier cadre juridique et politique des Nations-unies à admettre que la guerre a des incidences différentes sur les femmes et à plaider en faveur de l’inclusion des femmes dans les procédures de prévention et de résolution des conflits.
  • 2000 : Déclaration du millénaire des Nations-Unies ; un ensemble de huit objectifs limités dans les temps que les dirigeants mondiaux ont adopté à l’unanimité en vue d’éradiquer la pauvreté dans un délai de 15 ans. En 2015, le monde fait le point sur les progrès accomplis et sur les écarts qui restent à combler et élabore son nouveau programme transformationnel : les objectifs de développement durable.
  • 2014 : La 58e session de la Commission de la Condition de la Femme (CSW), qui est le principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Cette commission se réunissant chaque année, elle en est, en 2022, à sa 65e session.

Le rôle de la femme dans l’évolution du monde

L’histoire des femmes a contribué à illustrer l’importance des « évènements globaux » et l’interconnexion entre différentes formes de militantisme dans le monde entier. Face à des signes de plus en plus nombreux  d’interconnexions, peut-on dire qu’il existe une culture globale qui favorise la femme ? Les médias du monde entier accordent beaucoup de place aux visages, aux personnalités et aux actions de nombreuses femmes qui ont soit dirigé, ou soit se sont illustrées dans différents domaines, actuellement des figures de proue, comme Kamala Harris, Angela Merkel, Christine Lagarde, Ellen Johnson Sirleaf, la Reine Elisabeth II, Tsai Ing-Wen, Melinda French Gate, Oprah Winfrey, Rihanna, Beyoncé, Angélique Kidjo, et bien d’autres, la liste n’étant pas exhaustive.

Toutefois, depuis le début des années 1950, les Nations-unies ont mis en place une politique de sélection des ambassadrices appelées « ambassadrice de bonne volonté » qui est un titre honorifique. Ces personnalités viennent du monde littéraire, artistique ou sportif, mais pas politique par souci de neutralité. Ces dernières prêtent leur réputation et leur nom pour une cause ou un idéal à titre gracieux. À cet effet, elles doivent faire preuve d’intégrité personnelle et d’accomplissement, tout en ayant une visibilité mondiale. En général, les agences des Nations-unies font leur propre casting, en enquêtant sur l’engagement moral de la personne et sa réputation. Parfois certaines mènent les démarches elles-mêmes auprès de l’agence. Des personnalités telles que Nicole Kidman, Emma Watson, Muniba Mazan, Hai Quing, pour n’en citer que quelques-unes, ont reçu le titre d’ambassadrices de bonne volonté pour la cause des femmes.

Femme congolaise, actrice et médiatrice dans la gestion des conflits

Comme partout ailleurs dans le monde et à travers les siècles, les femmes congolaises ont toujours joué un rôle prépondérant dans l’histoire de leur pays. Nous allons situer quelques faits historiques.

Avant la colonisation, le pays était constitué de Royaumes (Kongo, Loango, Téké) et de chefferies. Parmi les femmes régnantes de cette période, Ngalifourou, la seconde femme du roi Makoko dans le royaume Téké, fut la seule à porter le titre de reine. Selon la tradition, elle devint la femme du successeur de son défunt mari. À partir de 1947, la reine Ngalifourou termina son parcours comme cheffe de canton.

Toutefois, la période précédant l’indépendance a permis aux femmes de prendre conscience de leur place et d’envisager leur émancipation. Il était nécessaire de lever de nombreuses barrières dues au poids de la tradition et encourager la scolarisation des jeunes filles. Les révoltes des 13, 14, 15 août 1963 amorcent les changements de la condition féminine ainsi, la constitution de 1963 confirme l’égalité entre les sexes.

Les femmes congolaises ont toujours joué un rôle prépondérant dans l’histoire de leur pays. elles jouent un rôle capital au maintien de la paix

Alice Badiangana est la seule femme à intégrer le bureau du parti unique, le Mouvement National de la Révolution (MNR). Elle fut la première femme congolaise à être incarcérée pour ses opinions politiques et à participer à l’indépendance de la République du Congo. En 1964, le MNR exige une réunification de toutes les associations féminines existantes : ce fut la naissance d’une organisation unique dénommée « l’Union Démocratique des femmes du Congo » (UDFC). « L’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo » (URFC) naîtra par la suite sous les cendres de l’UDFC au sein du Parti Congolais du Travail (PCT) en 1965. L’URFC a pris comme slogan “Seule la lutte libère ». En effet, elle sera de tout combat pour l’émancipation des femmes jusqu’en 1991. Après le discours de la Baule en 1991, le contexte politique a changé, la République du Congo a accédé à la démocratie dans les années 1992. Cependant, lors des différentes crises sociopolitiques (1993, 1997, 1998, 2000) les femmes ont joué un rôle capital dans le retour de la paix. La résolution 1325 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations-unies en octobre 2000 n’a fait qu’entériner ce qu’elles avaient déjà amorcé.

L’implication de la femme congolaise dans le processus de paix s’est avérée déterminante, elles ont été actrices pendant les périodes post-conflits. En 1993, les femmes de toutes obédiences confondues ont organisé une marche de la paix. Antoinette Sassou Nguesso épouse du chef de l’État s’est illustrée dans plusieurs actions en faveur de la paix et de la sécurité.  En sa qualité de Première dame du Gabon, Edith Lucie Mbongo Ondimba a également joué un rôle déterminant dans la diplomatie de proximité afin que la paix règne au Congo. Toujours dans le cadre de la recherche de la paix, Adelaïde Yvonne Moungani, ancienne ministre, s’est investie avec courage et détermination dans les différentes négociations avec les guérillas dans la partie sud du pays. Toutefois Inès Nefer Bertille Ingani, actuelle ministre de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement a organisé une marche le 1er mars 2015 avant qu’elle n’occupe ses fonctions de ministre. Cette marche s’est soldée par la remise d’un cahier de doléances au président de la République, Denis Sassou Nguesso. En 2017, la ministre Ingani s’est rendue à Kinkala dans le département du Pool, malgré les tensions encore persistantes, afin d’échanger avec les femmes sur les questions de paix. La liste des femmes qui ont œuvré pour que la paix règne au Congo serait interminable. Nous tenons à leur rendre hommage.

Le pays s’apprête à organiser les élections législatives et locales, l’Organisation des Femmes du Congo (l’OFC), qui a succédé à l’URFC, a mené plusieurs campagnes de sensibilisation afin d’inciter les femmes à s’inscrire sur les listes électorales. Ceci, toujours dans l’optique d’intégrer le plus de femmes dans les sphères de prise de décision. Cette journée nous permet également de faire une évaluation sur les attentes ainsi que les avancées.

L’OFC  a mené plusieurs campagnes de sensibilisation afin d’inciter les femmes à s’inscrire sur les listes électorales.

Il semblerait qu’il y a une recrudescence des violences sur les femmes ces derniers temps dans notre pays. Des voix de femmes se font de plus en plus nombreuses pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme des dérives provenant de certaines autres femmes qui utilisent leur parcelle d’autorité pour promouvoir des pratiques discriminatoires envers les femmes elles-mêmes. Des pratiques telles que : « le manque d’unité, de solidarité, de professionnalisme, d’humilité, de déontologie, de courtoisie ». Il serait opportun que les pouvoirs publics ainsi que la société civile envisagent la mise en place de formations pour accompagner ces femmes qui aspirent à des postes de responsabilité.

Les femmes se font de plus en plus nombreuses pour dénoncer les dérives  de certaines autres femmes qui abusent de leur autorité pour discriminer les femmes elles-mêmes.

Nul ne devrait ignorer le combat de la planète entière contre le réchauffement climatique et la durabilité, car des répercussions graves commencent déjà à se faire ressentir sur notre environnement et sur notre développement économique et social. À cet effet, les femmes sont reconnues comme étant les plus vulnérables aux impacts dus aux changements climatiques. Toutefois, la détermination qu’elles affichent leur permet de s’affirmer comme leaders et responsables du changement tout en prenant des initiatives en faveur du développement durable.

Les femmes  reconnues  les plus vulnérables aux impacts du changement climatique

Les femmes ne s’avouent pourtant pas vaincues, elles s’adaptent à toute mutation. Ainsi leur participation et leur leadership se traduisent par une action climatique plus efficace. À cet effet, elles ont besoin d’être soutenues. Pour un monde meilleur, les nations devraient prendre en compte le programme de développement durable à l’horizon 2030. Nous ne pouvons pas terminer cet article sans évoquer le conflit Russo-Ukraine qui désormais occupe l’espace médiatique du monde, car jusque-là, cet espace était occupé par le Covid.

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France