Le Graal des prix littéraires, c’est pour lui, ce jeune auteur sénégalais de 31 ans récompensé pour son ouvrage La plus secrète mémoire des hommes, aux éditions Philippe Rey. Mohamed Mbougar Sarr devient le premier lauréat d’Afrique subsaharienne du mythique prix littéraire. Le plus jeune aussi, même s’il a déclaré avec humilité à la presse qu’il n’y avait pas d’âge pour la littérature. Un signal fort envoyé à tout l’espace francophone et à sa jeunesse.
Avec lui, c’est cette partie du continent africain qui remporte le plus prestigieux prix littéraire, que vient de décerner le Goncourt depuis sa création en 1903. Succès éclatant et récompense historique pour l’auteur sénégalais dont le roman a marqué le jury qui l’a choisi dès le premier tour, par six voix sur dix. Une évidence : des messages de félicitations affluent du Sénégal, des réseaux sociaux et la presse se l’arrache. Mohamed Mbougar Sarr fait désormais le buzz. La plus secrète mémoire des hommes devient le roman à lire absolument, d’ailleurs le livre va faire l’objet d’un tirage supplémentaire de 300 000 exemplaires, a-t-on appris.
Dans ce roman fleuve de 448 pages, l’alter ego de ce prodige sénégalais de 31 ans part à la recherche d’un compatriote imaginaire dont l’unique roman créa la polémique dans la France d’avant-guerre. Le roman historique est une louange à la langue française et, nul doute, une critique des relations entre la France et ses anciennes colonies.
« Une joie simple et profonde tournée vers le Sénégal »
C’est l’une des premières déclarations de Mohamed Mbougar Sarr à la presse française, notamment à France 24. Elle est dirigée vers son pays, « sa famille » et « toutes les personnes qui l’ont accompagné ». Une fierté et un retentissement historique au Sénégal où depuis Dakar, Macky Sall, le président sénégalais a salué « une magnifique consécration qui illustre la tradition d’excellence des hommes et femmes de lettres sénégalais ». Un prix qui fait aussi la fierté de l’association des Ecrivains du Sénégal. Selon Mamadou Camara, membre de l’Association, à RFI : « C’est une fierté pour le Sénégal mais aussi pour toute l’Afrique ». L’écrivain sénégalais est bien imprégné des romans de Mohamed Mbougar Sarr, pour avoir lu les précédents. Ses impressions à la presse : « C’est un style quand même assez osé et poétique aussi. C’est une bonne chose, surtout pour la jeune littérature sénégalaise». La ruée dans les librairies à Dakar est manifeste, car dès l’annonce de la nouvelle, l’ouvrage s’est vendu comme des petits pains. La plus secrète mémoire des hommes attire tous types de lecteurs, qui l’achètent à 11 000 Fcfa.
Qu’est ce que le Goncourt ?
Il s’agit d’un prix littéraire français qui récompense des auteurs d’expression française, créé par le testament d’Edmond de Goncourt en 1892. La Société littéraire des Goncourt, dite Académie Goncourt, est officiellement fondée en 1902 et le premier prix Goncourt proclamé le 21 décembre 1903
Selon la volonté d’Edmond de Goncourt, la société littéraire se compose de dix membres, nécessairement des hommes de lettres. Depuis 1914, les dix membres se réunissent au restaurant le Drouant, à Paris, le premier mardi de chaque mois, sauf en été, pour déjeuner dans le salon Goncourt du premier étage. En 1961, l’idée de graver dix couverts au nom des titulaires a été suggérée. Le prix est attribué début novembre. Le vote est oral, à la majorité absolue à l’issue des dix premiers tours. En cas d’égalité, c’est la voix du président qui départage. Le jury est composé de sept hommes et trois femmes.
Le prix Goncourt ne rapporte qu’un chèque de 10 € à son lauréat, mais il garantit des centaines de milliers d’exemplaires vendus. En 2020, le Prix avait été remporté par L’Anomalie, roman phénomène d’Hervé Le Tellier, dans lequel les personnages voient leurs destins se croiser au cours d’un vol Paris-New York. Ce prix 2020 avait généré en librairie un engouement jamais vu depuis L’Amant de Marguerite Duras en 1984.
Auteur de plusieurs livres – Terre sainte en 2014, De purs hommes en 2018, Silence du chœur en 2017 (Prix littéraire de la Porte Dorée) – Mohamed Mbougar Sarr entre dans l’histoire du Goncourt et de la littérature francophone un siècle après le Batouala de René Maran, aux éditions Albin Michel. Une coïncidence, dit-on voulue, pour marquer l’histoire et l’avenir de la francophonie.
Carmen Féviliyé
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