#Covid-19 | Christian Hiller von Gaertringen : « L’Allemagne est désormais plus tournée vers l’aide et la coopération avec l’Afrique »

Christian Hiller von Gaertringen, Expert financier et économique spécialiste de l’Afrique. © AM/AP.P

Aide financière pour ses partenaires africains privilégiés, aide au secteur médical subsaharien par de nombreuses organisations privées, déclarations politiques de soutien, implication de la puissante GIZ, développement d’une application de surveillance du virus… autant d’initiatives qui témoignent d’une posture allemande plus proactive en faveur de l’Afrique.

Une contribution de Christian Hiller von Gaertringen
Expert financier et économique spécialiste de l’Afrique

Ce fut un coup de tonnerre lorsque Leoni annonça en début d’année d’être sévèrement touchée par la récession qui a frappé l’industrie automobile, cela bien avant l’arrivée du coronavirus en Europe.

Leoni fut en effet très longtemps un exemple des entreprises allemandes qui font la force du fameux Mittelstand. Créé en 1569 par le Français Anthoni Fournier, se sentant mal à l’aise dans son pays natal ravagé par les guerres contre les Huguenots, Leoni était spécialisée dans les produits leoniques.

Aujourd’hui, c’est un des plus grands sous-traitants de l’industrie automobile, fort de plus de 90 000 salariés et d’un chiffre d’affaires dépassant les 5 milliards d’euros.

La crise est tellement aiguë que Leoni prévoit de vendre ses activités dans le câblage des voitures et des avions. Cette cession touchera directement les relations entre l’Allemagne et l’Afrique. Le câblage des voitures est avant tout un travail manuel, dans une voiture de luxe se trouvant plus de 2 km de câbles. Leoni avait expatrié ce travail fastidieux vers la Tunisie – où l’entreprise s’est hissée au rang de l’un des plus grands employeurs privés du pays – mais aussi au Maroc.

De ce fait, Leoni était l’un des très rares exemples d’une entreprise allemande à ne pas considérer l’Afrique seulement comme un débouché, mais comme un lieu où il est bon d’investir.

Plusieurs initiatives concrètes
en faveur de l’Afrique

Le coronavirus est en train de changer sensiblement la politique allemande envers l’Afrique. Si Berlin ne s’est jamais vu dans le rôle ingrat de pacificateur dans les conflits qui secouent le Continent, la politique allemande envers le grand continent du sud a toujours oscillé entre une volonté de jouer un rôle de bienfaiteur, et une politique commerciale visant l’ouverture de nouveaux marchés pour l’exportation.

Depuis l’éclatement de la pandémie du coronavirus, l’Allemagne penche nettement vers la charité et la coopération. De nombreuses organisations privées organisent des aides au secteur médical, il est vrai sous-développé en Afrique sub-saharienne.

Il serait dans l’intérêt de l’Allemagne de soutenir les pays pauvres dans leur combat du virus, affirmait récemment Gerd Müller, ministre allemand de la Coopération. « Nous ne pourrons stopper la propagation du coronavirus que si nous agissons en commun, chez nous et dans le monde », ajoutait-il.

Le gouvernement fédéral vient de débloquer une aide immédiate d’1 milliard d’euros aux pays que l’Allemagne considère comme étant ses partenaires de choix en Afrique, des pays tels que le Ghana, la Tunisie, la Côte d’Ivoire ou l’Éthiopie. De plus, Berlin contribuera au fonds de lutte contre les pandémies de la Banque mondiale et au plan de soutien lancé par l’Union européenne.

Ce sont surtout les organisations de la santé publique, telles que l’institut Robert Koch, chargé de la lutte contre les infections, ou bien l’institut Bernhard Nocht pour la médecine tropicale, qui ont été mobilisées dans la lutte allemande du coronavirus en Afrique. Les deux instituts sont rejoints par l’institution chargée de la coopération technique, la GIZ, les trois organisations étant réunies dans la « Force opérationnelle des experts de la santé » (SEEG), créée en 2014 à la suite de l’éclatement du virus Ebola en Afrique.

Finalement, une application de surveillance de la propagation du virus, appelée SORMAS, développée par l’institut Helmholtz pour la recherche sur les infections, vient d’être mise à disposition du Nigeria et du Ghana.

Reste à savoir comment réagira l’autre pilier de la politique africaine de l’Allemagne, l’industrie. La première victime de l’économie allemande sous le choc du coronavirus est le Bangladesh, en Asie du sud, où les grands importateurs allemands de textile ont annulé à grande échelle leurs commandes. Il est fort probable que les entreprises allemandes réduiront leurs relations commerciales avec le sud si le coronavirus assombrit les perspectives économiques de l’Afrique.

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DU MÊME AUTEUR :

Christian Hiller von Gaertringen : « Les nouvelles ambitions économiques, commerciales et politiques de l’Allemagne en Afrique n’en sont qu’à leur début »

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AFRICAPRESSE.PARIS

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France