Lydie-Patricia Ondziet : “Emergent ou Emergé, le Congo peut choisir”

Une contribution de Lydie-Patricia Ondziet, présidente  de l’association La Trinité et membre de l’association panafricaine d’Aquitaine

« Plutôt que de se complaire en jérémiades sur tout ce qui ne va pas, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui marche ? » (Rik Ghesquière). Les crises qui secouent l’Europe telles que : l’Euro, les dettes souveraines, le Brexit, les migrants, les blocages institutionnels, les montées des populismes, sans oublier la crise sanitaire du Covid-19 qui touche la planète entière, nous ont démontré que le continent africain accuse un retard, mais qu’à l’exception d’une poignée de pays, le reste du monde souffre également de ce retard. Il convient de se poser de simples questions : quels sont les pays qui s’en sortent le mieux et pourquoi.

Force est de constater que les pays qui s’en sortent le mieux présentent deux caractéristiques fondamentales, à savoir : une conscience sociale collective et un développement technologique qui sert d’appui à leur maturité économique. A cet effet, notre analyse ne se basera que sur le cas du Congo-Brazzaville.

La conscience sociale et collective du Congo pourrait être améliorée

Il serait intéressant de se poser la question de savoir de quelle manière le Congo pourrait-il améliorer sa conscience sociale et collective, étant donné que c’est un des éléments essentiels à la réussite de certaines nations à ce jour. Toutefois, cet aspect ne sera pas traité dans cet article. Nous, nous concentrerons simplement sur le retard technologique et économique en tant qu’incidence uniquement. De ce point de vue, il existe une multitude de réponses à la question « comment pouvons-nous rattraper notre retard ? ».

Le but ici n’est pas de complexifier une situation qui se présente déjà comme telle, en ayant une vision micro, mais d’essayer de trouver un angle d’attaque qui permettra ensuite aux pouvoirs publics de mettre en place une politique simple et facilement communicable à ses populations locales et celles qui résident à l’étranger.

Une piste : copier et innover

Afin de rattraper son retard il serait d’emblée pour le Congo, de pratiquer la méthodologie des pays qui copient et innovent. En effet, malgré tout ce que nous pouvons apprendre sur le fait de copier, qu’à cela ne tienne ! C’est en copiant et ensuite en innovant sur le plan technologique, industriel, médical, militaire etc. que tous les pays émergents et émergés ont réussi à atteindre la position qu’ils occupent actuellement sur la scène internationale. Pourquoi le Congo, ne ferait-il pas autant ?

En réalité, la France, les Etats-Unis, la Russie, la Corée du Sud et la Chine sont également des exemples de pays qui prospèrent et développent leur économie en pratiquant la stratégie de la copie efficacement couplée avec une innovation constante. Pourquoi le Congo ne se donnerait-il pas comme objectif de devenir un pays non plus émergent mais émergé sous une dizaine d’années par exemple ? Effectivement on pourrait se poser la question de savoir comment cela peut-il se faire.

Dans un premier temps, le rapatriement des cerveaux serait l’un des objectifs principaux. Il faut reconnaître qu’aucun des pays qui a émergé durant la dernière décennie, ne s’est basé sur ses ressources naturelles pour avoir un siège dans le concert des nations. Quant à eux, les Emirats arabes unis, la Chine, Singapour et bien d’autres, ont pour leur part pris le chemin de la recherche, de la technologie et de l’innovation. C’est une des raisons pour lesquelles, leurs jeunes ressortissants et experts peuvent poursuivre leur formation à l’étranger et ensuite ressentent le besoin de rentrer dans leurs pays d’origine, afin de mettre à profit leur connaissance au service de la nation, sous l’encadrement des pouvoirs publics.

Le fort sentiment d’appartenance à la nation congolaise semble sous-exploitée

Il sied de reconnaître que le Congo à la chance de faire partie de ces pays avec une identité nationale forte et exprimée ; ses ressortissants, peu importe le lieu et l’époque, éprouvent un sentiment de fierté et d’appartenance à la nation. Ce sentiment semble être sous-exploité par les pouvoirs publics, car il représente déjà plus de 50% du chemin retour des cerveaux. Il est évident que si les pouvoirs publics prennent une direction forte et ambitieuse telle que, faire du Congo un pays émergé d’ici 2030, il y aura une mobilisation massive de toutes les compétences afin de relever le défi.

Toujours est-il, qu’après le rapatriement des cerveaux qui permettront de créer un environnement et un cadre propice au développement, il conviendrait de se demander comment pourrait-on pousser encore plus loin et attirer de nouveaux talents. A savoir, des talents plus ingrats et plus difficiles à attirer car ils n’auront pas de sentiment d’appartenance à la nation. Ce serait dans ce cas, des mercenaires du savoir qu’il faudrait appâter avec un environnement attractif où l’accent serait mis sur l’éducation, la recherche, le développement et l’innovation.

Dans cette course au développement, le Congo devrait avoir pour objectif de devenir un pays attractif, non seulement pour les investissements internationaux, mais également pour les cerveaux qui recherchent un environnement propice afin de développer le prochain « Séoul ou Singapour ». Dès lors que le Congo serait devenu un pays attractif pour les cerveaux, il serait difficile d’envisager que les investissements internationaux ne suivent pas de manière précipitée. Nous avons au début de cet article évoqué « la copie », comme solution potentielle pour rattraper le retard. Il est certain, qu’il est beaucoup plus facile de s’inspirer d’une idée que de la créer de toute pièce.

Quoi, qui et et comment “copier”?

Tout compte fait, pour ne pas trop s’attarder sur les détails, il faudrait simplement se poser la question : « quoi copier ? » et « comment copier ? », car la liste ne pourrait être qu’exhaustive. Il faudrait admettre dans un premier temps que toute copie qui permettrait à notre pays d’avancer et d’accroître son attractivité serait essentielle ainsi que nécessaire. Indéniablement, cette politique n’a rien de nouveau et d’exclusif, elle est activement pratiquée par de nombreux pays et multinationales autour du globe, en l’occurrence, des pays comme les USA, la Chine, la France ou encore la Corée du Sud, cette dernière l’ayant utilisée sur le Japon afin d’obtenir son rang parmi les pays les plus compétitifs au monde. Toujours est-il, cette méthode est également exercée par les plus grandes multinationales telles que : Renault PSA, Apple, Amazon, Samsung etc. Ainsi, tous pratiquent et financent largement l’espionnage industriel, le débauchage des talents de la concurrence.

Il convient pour les pouvoirs publics congolais de se fixer des objectifs. Forcément, la nation constituée d’experts, de chercheurs et ressortissants congolais, devra se mettre en œuvre pour atteindre les buts visés. Sous l’impulsion des pouvoirs publics, une étude pourrait être faite sur les secteurs prioritaires à développer avec le concours de la technologie, secteur agroalimentaire, la santé, les transports, la finance, les médias, le tourisme etc. Autant de secteurs qui permettront le développement du Congo et son rayonnement sur la scène internationale.

On pourrait réellement se poser la question de « qui copier ? ». En effet, cela peut paraître difficile voir par moment inefficace de copier aveuglement des pays qui apparemment se présentaient comme des modèles de développement. Aujourd’hui, avec la succession des crises économiques et maintenant sanitaires, il paraît évident que la majorité de ces pays dits « développés », accusent un retard important en ce qui concerne leur développement technologique et dans certains cas, leur maturité sociale. L’émergence de pays tels que la Corée du Sud, Singapour, UAE ainsi que l’accent qu’ils ont mis sur la recherche et l’innovation technologique, parfois au dépend de secteurs tel que l’armée, a eu pour effet de rendre des pays tels que la France, l’Espagne ou l’Italie beaucoup moins attractifs pour les cerveaux.

C’est en observant la majorité des pays du vieux continent, exception faite à l’Allemagne qui demeure particulièrement compétitive et attractive, que nous réalisons effectivement que l’Afrique a un retard très important certes, mais non insurmontable. L’objectif pour un pays comme le Congo serait de suivre directement la voie des pays qui ont fait le pari gagnant du développement technologique et de la recherche dès le départ, tels que l’UAE, et la Corée du Sud.

Néanmoins, le Congo ne devrait pas tout simplement copier un pays comme la Corée du Sud par exemple. En effet, comme évoqué au début de cet article, la position occupée par ce pays sur la scène internationale tient autant de son effort dans la recherche et l’innovation que dans sa capacité à avoir développé une société avec une conscience collective particulièrement poussée, qui parfois pourrait apparaître dommageable pour sa propre population. On pourrait par exemple observer l’efficacité avec laquelle le pays a endigué la crise du coronavirus mais aussi l’impact social et les entraves sur les libertés individuelles, que les populations ont dû subir pour y arriver.

Il faut reconnaître que le Congo, fait partie de ces pays qui aujourd’hui, ont la chance de pouvoir décider de leur futur et disposent des outils nécessaires pour tracer un chemin qui leur est propre. Une recommandation pour le Congo serait de créer un système hybride qui s’inspirerait du développement technologique et social de la Corée du Sud et du Canada. Deux pays différents mais qui sont aussi parmi les plus attractifs et même sur certains points, peuvent distancer la France et les USA.

Actuellement, la Corée du Sud et le Canada sont tous deux, classés parmi les pays les plus compétitifs au monde. Tout cela s’explique, grâce aux efforts, dû à la recherche, au développent, ainsi que leurs investissements massifs dans l’enseignement supérieur. Nonobstant, sous l’impulsion des pouvoirs publics, le mot d’ordre congolais devrait être le développement.

En fin de compte, nous pourrions assister à la création d’une multitude de multinationales congolaises qui s’appuieraient sur la recherche et la technologie, permettant ainsi au Congo de rattraper son retard et de devenir un pays émergé et non émergent dans les dix prochaines années.

 

 

 

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France