Élections au Cameroun : une participation faible qui en dit long

C’est un pays sans enthousiasme qui a observé le déroulement des élections législative et municipale de ce 9 février. © AFP

IMPASSE. C’est une élection pour rien qui vient de se dérouler. Le principal parti de l’opposition l’a boycottée, le RDPC au pouvoir est sûr de gagner.

 (avec AFP)

Un vote dans le calme, mais sans enthousiasme apparent. Voilà le bilan des scrutins législatif et local, organisés au Cameroun ce dimanche 9 février. Dans ce pays d’Afrique centrale où 75 % des quelque 24 millions de Camerounais ont moins de 35 ans et n’ont connu qu’un seul président – Paul Biya, 86 ans, dont trente-sept au pouvoir –, le vote, comme la campagne, n’a pas déplacé les foules. La participation était pourtant l’enjeu principal de ces élections, marquées par le boycott du principal leader de l’opposition Maurice Kamto, chef du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), et organisées dans un contexte sécuritaire tendu. Depuis trois ans, la région anglophone du pays est en effet plongée dans un conflit meurtrier entre les indépendantistes anglophones et l’armée. Des violences qui, d’après des ONG, ont déjà fait plus de 3 000 morts et 700 000 exilés.

Et qui dissuadent grandement les électeurs de se rendre aux urnes. À Buea, le chef-lieu du Sud-Ouest, l’une des deux régions où se concentre la minorité anglophone du pays, les bureaux de vote ont été quasiment déserts toute la journée. Policiers et soldats, déployés en nombre en ville, étaient presque les seuls à voter dans certains bureaux. Dans quatre d’entre eux, après la clôture, le nombre de bulletins dans les urnes oscillait entre 10 et 50 % des inscrits, selon un journaliste de l’AFP. « Le vote s’est déroulé dans un calme relatif à Buea, aucun incident majeur n’a été rapporté, mais les populations se sont très peu mobilisées pour voter », assurait à l’AFP en soirée Blaise Chamango, un observateur du scrutin et membre d’une ONG.

Faible affluence

Seulement 5 à 15 % des inscrits y avaient voté à la présidentielle de 2018 et des groupes armés ont appelé encore cette fois les populations à ne pas aller aux urnes. Et menacé ceux qui s’y risqueraient. Les violences redoutées dimanche n’ont pas eu lieu ou n’ont pas été rendues publiques. Seuls des échanges de tirs entre soldats et séparatistes ont empêché le vote à Muyuka, un fief séparatiste du Sud-Ouest, sans qu’un bilan soit annoncé. Des inquiétudes planaient également sur la sécurité du vote dans l’Extrême-Nord, où les attaques du groupe djihadiste Boko Haram, originaire du Nigeria voisin, se sont intensifiées ces trois derniers mois. Mais rien n’a filtré dimanche sur d’éventuels incidents.

Dans la capitale, Yaoundé, des centaines de soldats en renfort ont été dépêchés. Dans le grand bâtiment austère de l’école du quartier populaire musulman de la Briqueterie comme dans les locaux chics et hypersécurisés de l’établissement bilingue où le président Biya est venu voter, les électeurs sont venus au compte-gouttes, selon un journaliste de l’AFP qui a visité au total sept bureaux. Dans les deux derniers, après la fermeture, les urnes étaient aux trois quarts vides, avec 55 bulletins sur 262 inscrits dans l’un, 71 sur 258 dans l’autre. Et une majorité écrasante pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du chef de l’État dans les deux cas après un rapide dépouillement. Le RDPC est donc quasiment assuré de rafler la mise une nouvelle fois. Et il jouit déjà d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale : 148 sièges sur 180.

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Outre la participation, et le possible changement de camp de quelques municipalités – dont la capitale économique, Douala –, c’est le visage de l’opposition – très divisée – dans la future chambre basse du Parlement qui intéressera les Camerounais. Alors que 49 partis s’opposent au pouvoir, en comptant les 2 scrutins, les regards se tournent vers le premier d’entre eux représenté dans l’Assemblée sortante, le Social Democratic Front (SDF), plutôt implanté dans les zones anglophones, avec ses 18 députés. Le parti avait suivi au départ le boycott lancé par Maurice Kamto, puis s’était rapidement ravisé.

Le SDF, parmi les seules figures de l’opposition, est sous la pression des mouvements indépendantistes qui lui reprochent de préférer une solution fédéraliste avec la majorité francophone, rejetée catégoriquement par Paul Biya. L’annonce des résultats officiels – dont la date n’a pas encore été dévoilée par l’Elecam, l’instance chargée des élections – dira si la position du SDF a emporté l’adhésion.

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A propos CARMEN FEVILIYE 808 Articles
Juriste d’affaires Ohada / Journaliste-Communicant/ Secrétaire Générale de l'Union de la Presse Francophone - UPF section France